2.05.2024

Alerte IFI : Restrictions de la déductibilité des dettes en matière d’évaluation des titres sociaux

L’impôt sur la fortune immobilière (ci-après l’« IFI ») est un impôt dû par les personnes physiques dont le patrimoine immobilier, apprécié au niveau du foyer fiscal, excède 1 300 000 € au 1er janvier de l’année d’imposition.

Les personnes fiscalement domiciliées en France sont assujetties à l’IFI sur l’ensemble de leurs biens et droits immobiliers situés en France ou à l’étranger ainsi que sur leurs parts et actions de sociétés établies en France ou à l’étranger à hauteur de la valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par ces sociétés.

Les personnes fiscalement domiciliées hors de France ne sont assujetties à l’IFI que sur leurs biens et droits immobiliers situés en France ainsi que sur leurs parts et actions détenus dans des sociétés françaises ou étrangères à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers situés en France.

Le patrimoine imposable à l’IFI comprend donc l’ensemble des biens et droits immobiliers (I), ainsi que les parts ou actions de sociétés ou organismes pour la fraction de leur valeur représentative de ces biens ou droits immobiliers (II), non affectés à l’exercice d’une activité professionnelle du contribuable ou mis à la disposition de la société dans laquelle il exerce cette activité.

I. Sur les biens et droits immobiliers imposables à l’IFI

L’IFI est calculé sur la valeur vénale des biens et droits immobiliers détenus par les membres d’un même foyer (CGI, art. 965), évaluée au jour du fait générateur de l’impôt, c’est-à-dire au 1er janvier de chaque année.

Afin d’apprécier la valeur vénale d’un bien immobilier, plusieurs méthodes peuvent être utilisées. Cependant, la méthode d’évaluation par comparaison est à privilégier. L’évaluation des biens est ainsi réalisée par comparaison avec des ventes de biens intrinsèquement similaires antérieures à l’évènement motivant l’évaluation, dès lors qu’il est possible d’identifier des cessions portant sur des biens comparables.

De plus, les dettes existantes au 1er janvier de l’année d’imposition contractées par l’une des personnes composant le foyer fiscal et effectivement supportées par celle-ci sont déductibles de la valeur vénale du bien immobilier imposable, à condition de correspondre à certaines dépenses limitativement énumérées par la loi, afférentes à un actif imposable. A ce titre, sont notamment déductibles les emprunts contractés pour l’acquisition d’un actif imposable et les impositions dues à raison des propriétés imposables telle que la taxe foncière.

II. Sur les parts et actions de sociétés imposables à l’IFI

Les parts et actions de sociétés sont assujetties à l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société, quel que soit le nombre de niveaux d’interposition (CGI, art. 965, 2°). De même, toutes les sociétés sont concernées, quels que soient leur forme sociale, leur régime fiscal ou leur lieu d’établissement.

Pour déterminer la valeur taxable de ces parts ou actions, il convient de procéder à un calcul en deux étapes :

1 : Dans un premier temps, il faut déterminer la valeur vénale des titres sociaux suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès (CGI, art. 973, I) en se plaçant à la date du fait générateur de l’impôt, le 1er janvier de l’année d’imposition.

Si la société est cotée, cette valeur sera celle du dernier cours connu ou celle résultant de la moyenne des 30 derniers cours (CGI, art. 759). Si elle ne l’est pas, c’est la valeur vénale des parts ou actions qui est retenue, c’est-à-dire la valeur vénale de l’actif net social, diminuée des dettes figurant au passif de la société.

2 : Dans un second temps, il faut appliquer à la valeur ainsi déterminée un coefficient immobilier correspondant au rapport entre :

  • La valeur des biens et droits immobiliers imposables et, le cas échéant, la valeur des parts ou actions représentatives de ces mêmes biens ;
  • Et la valeur de l’ensemble des actifs de la société.

Cette valeur doit, le cas échéant, être corrigée s’il existe au passif de la société des dettes dont la loi interdit ou limite la prise en compte pour la valorisation des parts ou actions du contribuable.

La loi de finances pour 2024 a modifié les règles d’évaluation des titres de sociétés détenant des biens immobiliers en restreignant le passif susceptible d’être pris en compte. Il convient donc de rappeler les règles applicables avant l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024 (A) avant de présenter les règles introduites par cette dernière (B).

  • A – Rappel de la méthode de valorisation des titres de sociétés antérieure au 1er janvier 2024

Avant l’entrée en vigueur des dispositions de la loi de finances pour 2024, la valeur vénale des titres de sociétés était déterminée en tenant compte de la totalité du passif social sous les seules réserves des dispositifs anti-abus visées par l’article 973, II et III du CGI.

  • Le dispositif anti-abus de l’article 973, II du CGI

L’article 973, II du CGI prévoit que la fraction de valeur taxable des parts et actions détenues par le redevable est, en principe, déterminée sans tenir compte des dettes contractées directement ou indirectement par la société :

  • Pour l’acquisition d’un actif imposable au contribuable ou à un membre de son foyer fiscal qui contrôle, seul ou conjointement avec son foyer fiscal, la société ;
  • Auprès d’un contribuable ou d’un membre de son foyer fiscal pour l’acquisition d’un actif imposable ou pour le financement des dépenses afférentes à un tel actif ;
  • Auprès d’un membre du groupe familial du contribuable (autre que son conjoint et ses enfants mineurs) pour l’acquisition d’un actif imposable ou pour des dépenses afférentes à un tel actif ;
  • Auprès d’une société contrôlée, directement ou par l’intermédiaire de plusieurs sociétés interposées, par le contribuable ou un membre de son groupe familial pour l’acquisition d’un actif imposable ou pour le financement des dépenses afférentes à un tel actif.

Sont notamment visées par cette règle les avances en compte courant faites par un associé. Toutefois, la déduction des dettes est possible si le contribuable justifie que le prêt n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal ou, en cas de prêt contracté auprès d’un membre du groupe familial, s’il justifie du caractère normal des conditions du prêt (notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements).

  • Le dispositif anti-abus de l’article 973, III du CGI

Il résulte des dispositions des articles 973, III et 974 du CGI que pour la valorisation des parts sociales ou actions de sociétés, les dettes correspondant à des prêts in fine ou sans terme contractées, directement ou indirectement, par une société ou un organisme pour l’achat d’un actif imposable sont prises en compte chaque année à hauteur du montant total de l’emprunt diminué d’une somme égale à ce même montant multiplié par le nombre d’années écoulées depuis le versement du prêt et divisé par le nombre d’années total de l’emprunt.

Si aucun terme n’est prévu, ils sont déductibles sur la base d’un amortissement linéaire sur 20 ans. Ces règles n’ont vocation à s’appliquer qu’aux seuls emprunts souscrits pour l’acquisition d’un actif immobilier imposable.

  • B – Les nouveautés introduites par la loi de finances pour 2024 en matière d’IFI

Depuis l’entrée en vigueur de la loi de finances pour 2024, l’article 973, IV du CGI exclut, pour la détermination de la valeur imposable des titres détenus par le contribuable, la déduction des dettes contractées, directement ou indirectement par la société, et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable. Autrement dit, cet article introduit un principe de non déductibilité des dettes afférentes à un actif non imposable.

Ainsi, pour la valorisation des titres sociaux imposables à l’IFI, l’associé d’une société détenant des actifs immobiliers ne pourra plus tenir compte de la totalité du passif de la société. Seules les dettes afférentes à un actif imposable pourront être déduites.

En outre, l’article 973, IV prévoit que la valeur imposable des parts ou actions déterminée en application des règles susvisées, ne peut pas être supérieure à leur valeur vénale ou, si elle est inférieure à cette dernière, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes qu’elle a contractées, à proportion de la fraction de capital de la société à laquelle donnent droit les parts ou actions comprises dans le patrimoine du redevable.

Attention : La notion de dettes afférentes à des actifs imposables n’est pas définie par loi, la jurisprudence ou la doctrine administrative. Il existe donc à ce jour une incertitude sur le contenu de cette notion.

Cependant, d’après notre analyse, les avances en compte courant d’associés devraient être considérées comme des dettes afférentes à un actif imposable lorsqu’elles :

  • Financent l’acquisition de biens immobiliers ou la réalisation de travaux immobiliers ;
  • Refinancent des prêts d’acquisitions immobilières ou des prêts de financement de travaux immobiliers.

Seules les avances en compte courant d’associés qui financent des acquisitions immobilières seront amortissables. Nous considérons en effet que lorsque le compte courant d’associés refinance le prêt ayant servi à l’acquisition ou à la réalisation de travaux, il s’agit d’un second contrat et non d’un contrat « contractée directement pour l’achat d’un actif imposable ». Par conséquent, ce contrat ne devrait pas pouvoir être amorti.

De même, nous considérons que la règle de plafonnement de la valeur imposable à l’IFI est double, et non pas alternative suivant que cette valeur imposable est supérieure ou inférieure à la valeur vénale des titres.

Ainsi, les règles de plafonnement permettraient de limiter la valeur imposable à l’IFI des titres de sociétés à la plus faible des deux valeurs suivantes :

  • Soit la valeur vénale des actions ou parts de la société ;
  • Soit la valeur vénale des actifs immobiliers imposables de la société, déterminée comme si ces actifs étaient détenus directement par le redevable, et retenue en proportion de ses droits au capital de la société détentrice de ces actifs.

Enfin, pour la détermination de l’actif net revalorisé, nous considérons qu’il faut tenir compte de l’exclusion des dettes non amortissables.

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